3% des Français ont supprimé le gluten de leur alimentation (Insee, 2017), le marché des produits sans gluten explose (+ 30 à 50% par an depuis 2009) et la confusion règne dans l’esprit des consommateurs : certains produits artisanaux peuvent-ils tout de même être consommés par les personnes hypersensibles au gluten comme certains le prétendent ? C’est à cette question que le projet de recherche « Gluten, mythe ou réalité ? » piloté par INRAe et le BioC_ivam11, a tenté de répondre.
Né du questionnement des paysans-boulangers et des pastiers remonté du terrain dès 2012, cette recherche a été co-construite avec les agriculteurs, les acteurs des filières céréalières industrielles et artisanales, les techniciens et chercheurs de nombreuses disciplines. Il a aussi bénéficié du concours de médecins et de centaines de consommateurs hypersensibles au gluten.
Ses premiers résultats confirment l’existence d’une population de personnes se disant sensibles au gluten mais pouvant consommer sans ressentir de symptômes des produits céréaliers issus de certaines filières artisanales.
PAINS ET PÂTES SUR LE GRILL
Lancé en 2015, financé par la Fondation de France, le Conseil régional d’Occitanie et l’Union européenne, le projet a aussi permis de mieux cerner les propriétés des deux principaux produits à base de blé tendre et dur proposés dans les filières industrielles et artisanales, à savoir pains et pâtes. Il a mis en évidence les variations protéiques entre les produits en explorant l’importance de chaque étape de production sur la quantité et la qualité du gluten des produits finis et leur digestibilité.
Ainsi, les produits paysans contiennent une proportion plus importante de protéines facilement extractibles et affichent une meilleure digestibilité invitro.
AVANTAGE AU LEVAIN
Pour les pains, c’est l’utilisation de levain, riche en levures et en bactéries lactiques diversifiées, qui améliore le plus la digestibilité, suivie de la mouture sur meule de pierre puis de la fermentation longue à basse température.
L’effet variétal, lui, est surtout marqué pour les pâtes, mais l’ancienneté de leur obtention n’est pas un facteur déterminant de la digestibilité.
Attendus par nombre de consommateurs, de pastiers et boulangers-paysans, ces résultats, disponibles en open data, serviront à la conception de cahiers des charges pour la mise en marché de produits à base de blés consommables par des personnes hypersensibles au gluten.
« Nous intégrons ces données scientifiques dans nos fiches techniques sur la fabrication à la ferme et attirons l’attention de nos adhérents sur les étapes qui influent sur la digestibilité du gluten » ajoute Kristel Moinet, du BioCivam de l’Aude, co-coordinatrice du projet avec Dominique Desclaux, chercheuse en agronomie et génétique à l’Inrae.
ZOOM / LA RECHERCHE PARTICIPATIVE PRIMÉE
Le BioCivam 11 était présent au dernier Salon de l’agriculture pour recevoir, avec ses partenaires, le prix pour sa participation au programme « Des semences à l’assiette », via le projet Gluten. Ce programme, piloté par un collectif d’agronomes, sociologues et biochimistes de l’INRAe avec de nombreux partenaires, porte depuis plus de 20 ans des projets collaboratifs, depuis la sélection participative de variétés de céréales adaptées à l’agriculture biologique et à des systèmes de cultures innovants jusqu’au développement de filières collectives et tiers-lieux.
Le projet Gluten a été primé au dernier salon de l’agriculture lors de la première édition du prix de la recherche participative, lequel se veut un moyen de mettre en lumière des projets de recherche dans lesquels sont engagés scientifiques et non scientifiques.
Le prix comporte deux catégories :
- Les projets de « crowdsourcing » (littéralement « approvisionnement par la foule ») dans lesquels la collecte et/ou l’interprétation de données sont réalisées par des amateurs grâce aux possibilités d’action données par des plateformes numériques. Dans ces projets, la conception des objectifs, des questions et des protocoles de recherche peut être coproduite.
- Les projets « participatifs » avec approches de coproduction de connaissances qui relèvent, par exemple, de la recherche-action participative ou de la recherche en interaction avec des groupes concernés. Ils sont souvent menés de manière collaborative avec des scientifiques et citoyens définissant ensemble les objectifs, interprétant ensemble les résultats et partageant la responsabilité du projet, les prises de décisions, les coûts et les risques.
Les résultats détaillés sont à retrouver dans 3 webinaires “Gluten : Mythe ou réalité?”
Voir les webinaires
Un article issu de la LAD n°102
Rédigé par Jean-Marie Lusson, Réseau Civam.