« Les Restos du Cœur pourraient mettre la clef sous la porte d’ici à trois ans. » Dimanche 3 septembre, le président des Restos du Cœur poussait au journal télévisé de TF1 un véritable cri d’alarme. En effet, les Restos du Cœur – comme toutes les associations d’aide alimentaire – sont soumis à une double tension : d’une part une explosion du nombre de personnes dans le besoin, de l’autre des dépenses pour les achats et le fonctionnement qui augmentent du fait de l’inflation.
Face à ces difficultés, le président des Restos du Cœur a donc appelé à un « plan d’urgence alimentaire » et a lancé un « appel aux forces politiques et économiques de notre pays ». Cet appel a partiellement été entendu puisque le gouvernement annonçait dans la foulée débloquer 15 millions d’euros pour soutenir l’association tandis que la famille de Bernard Arnault, homme le plus riche de la planète, communiquait sur un don de 10 millions d’euros et les patrons d’Intermarché et de Carrefour promettaient un soutien financier et matériel.
Garantissons un droit à l’alimentation
Mais est-ce la bonne réponse à apporter ? Un modèle dit de « solidarité » privée basée sur la charité de Bernard Arnault et de la grande distribution ? Voulons-nous même de l’aide alimentaire ? Quand déciderons-nous enfin de prendre le problème à bras-le-corps et de faire de l’alimentation un droit ? Devons-nous attendre que l’aide alimentaire concerne 10 à 20 millions de personnes alors même que cette dernière est vectrice de violences alimentaires (les atteintes physiques et morales faites à celles et ceux qui n’ont pas un accès autonome à l’alimentation), comme l’a montré l’anthropologue Bénédicte Bonzi, et contribue à un système agro-industriel destructeur de la planète et de la paysannerie ? Devons-nous attendre que des émeutes de la faim éclatent ici et là ? Et que fait-on aujourd’hui pour les millions de Français qui ne fréquentent pas l’aide alimentaire mais qui peinent à remplir dignement leur assiette ?
« Il s’agit d’intégrer l’alimentation au régime général de la sécurité sociale. »
Sortons des logiques de charité et permettons un accès universel à l’alimentation en garantissant un droit à l’alimentation. La Sécurité sociale de l’alimentation (SSA), est une idée simple mais au potentiel transformateur majeur. Il s’agit d’intégrer l’alimentation au régime général de la Sécurité sociale. La SSA repose sur trois piliers : l’universalité, le financement par la cotisation et le conventionnement démocratique des professionnels. Concrètement, elle permettrait, chaque mois, de distribuer, sur une carte Vitale de l’alimentation, à toutes et tous, une somme – de l’ordre de 150 euros – pour réaliser des achats alimentaires dans des lieux de distribution choisis démocratiquement.
Notre proposition de Sécurité sociale de l’alimentation met en avant l’appropriation collective des enjeux de l’alimentation pour permettre à tout le monde de décider en connaissance de cause afin de construire ensemble des instances démocratiques et solidaires permettant de sortir des logiques de charité et transformer nos systèmes alimentaires pour nous les rendre désirables et écologiquement soutenables.
Plusieurs initiatives
Des initiatives locales s’inspirant de ce principe se multiplient. À Cadenet, petite commune du Luberon par exemple, un comité citoyen de l’alimentation s’est constitué. À Montpellier, est expérimentée depuis quelques mois une « caisse alimentaire commune »…
De plus en plus nombreuses, ces initiatives rencontrent un large écho. Elles expérimentent, à petites échelles, certains des grands principes de la SSA. Elles doivent être regardées avec sérieux et soutenues par les pouvoirs publics. Rappelons que le Conseil national de l’alimentation appelle à expérimenter la Sécurité sociale de l’alimentation au sein du régime général de la Sécurité sociale tandis que le Haut Conseil de la santé Publique, dans son avis sur la future Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) invite le gouvernement à s’y intéresser sérieusement.
L’urgence alimentaire est bien là. Elle ne sera pas résolue en abondant indéfiniment l’aide alimentaire mais seulement en s’attaquant aux causes structurelles du non-accès à l’alimentation. Portées par un nombre croissant de citoyens et citoyennes, des initiatives existent depuis quinze ans. La reconnaissance du droit à l’alimentation et la mise en place d’une Sécurité sociale de l’alimentation sont issues de ce mouvement citoyen alimentaire et représentent une voie solide pour cela. Explorons-les.
Crédits photo : ISOPIX/SIPA
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Signataires : Les structures membres du Collectif pour une Sécurité sociale de l’alimentation