Des grêlons dévastateurs © Civam BLE
Ce mois de juin 2023, de gros grêlons se sont abattus sur certains secteurs du Pays Basque, détruisant notamment les cultures de plein champ et impactant les serres de plusieurs maraîchers diversifiés et producteurs de piment.
«Réfléchir à un plan d’action et hiérarchiser les priorités tout en étant sonné a été le plus difficile car il y a deux-trois jours où j’ai encaissé émotionnellement et physiquement le coup porté. Un objectif à ne pas perdre de vue était celui de garder la clientèle et de communiquer, tout en planifiant des replantations et des cultures de rattrapage.» témoigne Bruno Junquet, maraîcher à Itxassou, en GAEC sur une ferme avec plusieurs ateliers : maraîchage, piment d’Espelette et ovin lait pour la transformation en fromage de brebis Ossau Iraty.
1. Comment réagir après des dégâts de grêle ?
Fiche pratique
✓ Avertir les débouchés qui ne pourront pas être honorés.
✓ Simplifier sa semaine de vente pour accorder toute son attention et son énergie à « se remettre à l’endroit ».
✓ Identifier les cultures vendables urgemment et les matériels endommagés à changer.
« Pas évident de savoir s’il faut détruire ou pas une culture qui a été impactée, sans savoir si elle va pouvoir repartir. »Par exemple, chez Bruno : récolte et expédition de l’intégralité de la culture d’oignons jaunes qui allaient pourrir dans la semaine (350 kg, épluchés à 5-6 personnes puis vendus à un charcutier via une légumerie qui a fait la découpe). Pour le matériel, les bâches de serres étaient mitraillées avec de multiples coupures. Mais en plein été, leur changement pouvait attendre jusqu’à l’automne. Cependant, dès qu’il pleuvait, des gouttières apparaissaient un peu partout dans la serre et des départ de botrytis et de mildiou sont apparus à plusieurs reprises dans l’été. « Les paillages biodégradables pour les cultures comme la patate douce étaient mitraillés et donc rendus inutiles. Nous avons donc enlevé le gros du paillage puis replastiqué manuellement entre les rangs pour donner une chance à la culture de se développer (sur une partie seulement par manque de temps). »
✓ Nouvelle planification et recherche de plants/semences auprès de tous les fournisseurs, tant qu’il pleut et que le terrain est impraticable. « Une journée de planification, le surlendemain de la grêle.»
✓ Traitement des légumes qui donnent l’espoir d’une reprise pour aider à la cicatrisation, dès que le terrain est praticable et la météo plus favorable. Exemple chez Bruno : traitement purin de consoude + héliocuivre , et/ou poudrage à l’argile bentonique. Action antifongique + séchage. Temps de travail : 2 personnes pendant 1 journée complète (mis bout à bout).
« La météo chaude a également bien aidé à cicatriser. Les légumes qui ont le mieux cicatrisé et qui sont repartis : le poireau, la betterave, la patate douce, la pomme de terre (qui étaient bien développés). Les légumes sous serres étaient trempés après la grêle, ce qui a provoqué des gros départs de botrytis et mildiou dans les jours qui ont suivi. Le traitement antifongique et le poudrage à l’argile étaient aussi utiles sous serre.»
✓ Essayer de ne pas perdre la clientèle : entraide avec d’autres maraîchers pour compléter la gamme, les paniers, garder sa place au marché …
« Il m’est apparu important de retrouver le rythme d’une semaine type le plus vite possible. Dès que les travaux les plus urgents étaient passés, 15 jours après la grêle, je ré-ouvrais le marché à la ferme, autant pour conserver la clientèle que pour retrouver les marques d’une semaine réussie. Qui plus est, le soutien des clients, tous très compréhensifs et compatissants, a été une motivation et une source d’énergie pour moi.»
✓ Plantation de cultures à cycle court dès que possible :
Chez Bruno, suite à la grêle du 20 juin :
- Plantation le 27-28 juin betteraves, oignons frais, salades, fenouil, haricots verts (plantations + semis),
- Semis début juillet potimarron, pâtisson, courge spaghetti (privilégier les courges à cycles courts), butternut early, pomme de terre nouvelle, courgettes, haricots verts séries 2-3-4),
- Aide ponctuelle de 3-4 personnes pour les chantiers de plantations.
« Les choix des cultures de rattrapage étaient à articuler avec le planning de cultures prévu normalement. Le risque de surcharge de travail était réel (surtout avec 4 séries de haricots verts). Nous avons donc engagé une stagiaire pendant 2 mois (août et septembre) pour pallier cet accroissement de travail. D’autant qu’un re-bâchage de l’intégralité des serres (1300m²) était à prévoir en septembre idéalement, avant l’implantation des cultures d’hiver. Malgré l’embauche, nous avons accumulé du retard notamment sur le suivi des cultures (désherbage/ traitement sur chenilles). »
✓ Ne pas être seul, être en contact avec le réseau local
« Le soutien et l’aide de mes associés du GAEC ont été primordiaux. Ne pas être seul sur la ferme m’apparaît après cet épisode encore plus indispensable. Le soutien du réseau local a aussi été très important pour le moral mais aussi pour toutes les solutions qu’il proposait. S’entourer et s’intégrer à un réseau dès l’installation m’apparaît également comme un facteur de résilience indéniable et indispensable. »
✓ Diversifier les ateliers sur sa ferme, et avoir une pépinière de plants en local. Sur le long terme, Bruno souligne l’intérêt d’avoir une ferme avec différents ateliers face aux aléas:
« La diversité des ateliers de la ferme, notamment l’élevage, nous a permis de continuer à avoir une entrée d’argent et de ne pas voir notre trésorerie sombrer. »
De plus, avoir un atelier de productions de plants collectif comme à la SCIC Garro à Mendionde, qui produit pour 5 maraîchers dont Bruno, a permis aussi une meilleure réactivité face à la grêle, avec la possibilité de remettre en production les plants nécessaires.
2. Faire face aux canicules et coups de chauds
Au Pays Basque, les coups de chaud (hausse des températures au dessus de 30° ponctuelles ou sur une semaine) deviennent plus fréquents. Une des solutions est l’ombrage des serres pour limiter les fleurs avortées, les coups de soleil, collets verts sur les fruits. Les maraîchers utilisent deux méthodes pour les serres : le blanchiment avec une peinture adaptée et le filet d’ombrage.
Vincent Idiart, maraîcher à Ascain, blanchit de plus en plus tôt ses serres (en juin). Il utilise un petit pulvérisateur à dos qui envoie la peinture jusqu’à 5-6 mètres sans avoir besoin de monter au faitage.
Au GAEC « Les carottes sont crues » à Arcangue, Sébastien a mis en place depuis cette année un filet d’ombrage gris (à 50% d’occultation) et en est très satisfait :
« J’ai beaucoup moins de problèmes de cul noir, tomate bouillie et fleur avortée que l’année dernière ! C’est très facile à installer (aux 4 angles sur la bâche avec une ficelle), et enlever quand il fait froid. Le filet est traversé par le vent donc n’est pas arraché. C’est flagrant dans la serre à plants: les plants restent plus humides, j’ai moins besoin d’arroser. »
Son conseil : choisir un filet plus étroit que la serre, « c’est mieux que ça ne couvre pas les ouvertures latérales, donc 7 m pour une serre de 9m ». Le seul inconvénient : « le mildiou n’est plus stoppé par les coups de chaud ! ».
Par Argitxu, SCIC Garro à Mendionde ( 64)
Équipement serre :
- Ouverture latérale obligatoire + demi lune ouvrante.
- Privilégier les grandes serres et garder les petits tunnels bas pour production automne/hiver/ printemps.
- Ombrage des serres depuis 2011 tous les ans entre mi mai et début juin en fonction des années.
Choix variétaux sous abris : tomates, concombres, choisir des variétés plus résistantes à la chaleur.
Effeuillage : Plus ou moins important en fonction des températures et de l’humidité.
Protection des sols des tunnels non mis en culture via semis engrais vert (sorgho)
Cultures hachées par la grêle © Civam BLE
Conclusion : quelles stratégies face aux aléas climatiques pour les maraîchers ?
Les retours des différents paysans montrent l’importance de :
- Diversifier les ateliers pour gagner en résilience ;
- S’associer, travailler à plusieurs sur la ferme et en réseau, notamment pour garder le moral dans le cadre d’un métier de plus en plus difficile.
Un article issu de la LAD n°106
Rédigé par Maria Brykalska Civam BLE, Pays Basque