En ciblant le siège d’INRAE, c’est une orientation stratégique, pourtant essentielle pour la transition agroécologique, qui se trouve remise en question par certaines organisations syndicales agricoles. Cette transition vise à accompagner les agriculteurs dans une démarche d’innovation sociale et durable, à rebours des solutions court-termistes du passé.
Au-delà de la recherche publique, ce sont toutes les institutions garantes de la prise en compte par l’agriculture française des enjeux sanitaires et environnementaux qui sont aujourd’hui remises en cause par certains représentants agricoles. Les agricultrices et agriculteurs du réseau des CIVAM font pourtant la démonstration, notamment par des collaborations régulières avec INRAE et au travers d’une convention cadre, que nous sommes en mesure de forger des solutions conciliant production agricole pérenne avec un environnement restauré et une santé protégée.
Les instituts de recherches publics français sont riches de la diversité des approches développées par ses chercheurs. En conséquence, les voies explorées pour construire l’agriculture et les systèmes alimentaires de demain reposent sur des paradigmes différents. Les CIVAM y contribuent, avec leur sensibilité propre, en pleine conscience que d’autres recherches privilégient un socle où la technologie joue un rôle essentiel. Nous sommes convaincus que la raison d’être sociétale d’un institut de recherche public est de s’appuyer sur un large spectre de fronts de recherche. Il serait donc dommageable, pour l’agriculture et la société française, mais aussi pour le rayonnement des instituts, d’enfermer les équipes de recherche dans une vision monolithique des évolutions à promouvoir.
Les agricultrices et agriculteurs du réseau des CIVAM appellent à investir pleinement dans la recherche et l’évaluation de solutions durables, capables de répondre aux défis croissants auxquels nos fermes font face : instabilités climatiques, épuisement des ressources, attentes sociétales… Ces enjeux exigent des réponses ambitieuses et une volonté politique forte pour accompagner le monde agricole dans sa transformation.
Plutôt que de diviser chercheurs et agriculteurs, il est urgent de reconnaître la complémentarité de leurs rôles et de renforcer leur coopération pour bâtir un modèle agricole résilient et durable. C’est en conjuguant savoirs scientifiques et savoir-faire agricoles que nous pourrons relever les défis auxquels l’agriculture est confrontée, notamment à travers les projets de recherche participative portés par INRAE. L’alimentation ne peut être considérée comme une simple marchandise soumise aux lois de la libre concurrence. C’est un besoin vital, qui appelle des politiques cohérentes, capables de soutenir les pratiques agroécologiques et de garantir une sécurité alimentaire pour tous ainsi que des revenus décents pour les producteurs. Grâce à l’engagement conjoint des agriculteurs et des chercheurs, l’agriculture de demain se construira sur des bases solides où recherche publique, économie, écologie et solidarité se rejoignent.
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Paysans-Chercheurs : zoom sur des exemples de terrain
Quelques illustrations de la puissance de la coopération entre chercheurs et agriculteurs pour générer des connaissances et les mettre au service de la transition agroécologique :
- Chercheurs et agriculteurs unis pour développer l’agroforesterie en région Sud
L’agroforesterie, pratique qui associe arbres, cultures et/ou élevage, est aujourd’hui un exemple emblématique de la complémentarité entre agriculteurs et chercheurs. En région Sud – Provence-Alpes-Côte d’Azur, les CIVAM ont été à l’avant-garde du développement de cette approche novatrice, redonnant à l’arbre une place centrale dans les systèmes agricoles, à l’échelle des fermes comme des territoires. “Grâce à des partenariats solides avec INRAE et le Groupe de Recherche en Agriculture Biologique (GRAB), nous avons pu valider scientifiquement nos observations : les arbres et les haies ne sont pas seulement des éléments paysagers, mais des alliés indispensables pour préserver la biodiversité, lutter contre l’érosion, limiter le ruissellement, stocker du carbone dans les sols et s’adapter aux changements climatiques”. Nicolas Verzotti, maraicher, dans le Vaucluse (84)
Les résultats des recherches menées en collaboration avec les instituts de recherche ont produit des références solides et largement diffusées, prouvant l’efficacité de ces pratiques. En savoir plus
- Produire des semences paysannes en collectif en pays de la Loire
Dans les Pays de la Loire, les Civam et un chercheur de INRAE mènent depuis 3 ans un projet visant à produire des semences paysannes en collectif. Objectif : augmenter l’autonomie semencière des fermes et du territoire et profiter de la diversité génétique de ce type de semences pour améliorer la robustesse des exploitations, notamment face au changement climatique. Essais de production sur les fermes, suivi et analyses : les partenaires ont publié un recueil technique pour partager leurs résultats, mais également conçu des formations pour permettre à d’autres de réaliser des essais de production de semences à la ferme. « La production de semences à la ferme demande du temps, des savoir-faire et du matériel adapté. Les étapes (culture, récolte, sélection, séchage, stockage, tri) sont spécifiques à chaque espèce et nécessitent une bonne organisation sur la ferme et au sein du collectif pour atteindre l’autonomie. Ce projet a permis de structurer l’échange de savoir-faire entre pairs. » Denis Roulleau, eleveur en Maine et Loire (49)
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Pour aller plus loin
Les Civam en bref
Les CIVAM (Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural) sont des groupes d’agricultrices, d’agriculteurs et de ruraux qui travaillent de manière collective à la transition agro-écologique. Les Civam constituent un réseau de près de 130 associations et qui oeuvrent depuis 60 ans pour des campagnes vivantes. Ils agissent pour une agriculture plus économe et autonome, une alimentation relocalisée au coeur des territoires et des politiques agricoles, pour l’accueil de nouvelles populations et pour la préservation des ressources.
Leur mission : animer et accompagner les projets collectifs et durables qui contribuent à dynamiser le tissu socio-économique rural. Ils développent des initiatives, testent de nouvelles pratiques et proposent des méthodes d’actions basées sur la transmission des expériences de terrain, l’apprentissage entre pairs et la coopération à l’échelle locale et nationale.
Contact presse
Chargées de communication – Réseau Civam
Lucie Faguais – lucie.faguais[at]civam.org – 06.41.88.31.81
Aurore Puel – aurore.puel[at]civam.org – 06.41.03.31.35