L’année dernière, c’est plus de 680 personnes qui ont bravé les averses pour visiter Le Domaine du Poirier, niché dans 60 hectares de prairies. « La préparation était stressante, confie l’éleveuse. On ne savait pas combien de personnes allaient être au rendez-vous entre la crise sanitaire, le mauvais temps et le report de l’événement initialement prévu au printemps suite au Covid ». La dynamique jeune femme de 23 ans accueille le public et guide les visites. Une petite équipe de bénévoles gère le parking, la distribution de gel hydro-alcoolique à l’entrée et la vente des produits de la ferme.
Aurélie a repris la ferme il y a un an à la suite de son père. Elle a arrêté la production de lait pour se concentrer sur l’élevage d’une quarantaine de vaches allaitantes Aubrac dont elle commercialise la viande en circuit courts.
« C’est une race rustique. Chez nous, les vaches sont dehors toute l’année et nourries exclusivement au pâturage et avec les fourrages produits sur la ferme, explique la jeune femme. Regardez, malgré la sècheresse qu’on vient de traverser, elles se portent bien ! »
Grands yeux doux cerclés de noir, longues cornes effilées : elles font impression. Plus ou moins familier du monde rural et de l’agriculture paysanne, le public est varié. De nombreuses familles ont fait le déplacement. « C’est important de faire prendre conscience à nos enfants que c’est grâce à eux que l’on mange de bonnes chose», explique Laure, une mère de famille. « Ils voient ainsi que ça n’arrive pas tout seul dans l’assiette, comment cela a été élevé et le travail des gens derrière », précise Franck, un autre visiteur.
Promouvoir l’agriculture durable : ça s’organise !
L’opération De Ferme en ferme portée par le réseau des Civam à un objectif assumé de valorisation de l’agriculture durable.
« On n’accepte pas n’importe quelle ferme! Car si l’évènement est également l’occasion de faire la promotion de leurs produits, on s’assure qu’elles sont vraiment dans une démarche d’agriculture durable, motivées pour parler de leur métier et prêtes à jouer le jeu du collectif ». Samuel Richard, animateur à l’Addear 69, l’un des organisateurs de l’évènement en Rhône-Alpes.
Pour préparer ce week-end, tous les « nouveaux participants » suivent une formation de trois jours et demi, alternant contenu théorique pour bien s’approprier la philosophie de l’événement, travaux pratiques autour de la logistique et mise en situation pour préparer le parcours des visiteurs. Ils y rencontrent également les agriculteurs « habitués » de l’évènement. « Il est important de favoriser l’interconnaissance entres paysans, indique Samuel. Ils vont devoir s’organiser entre voisins pour proposer un circuit aux visiteurs et se répartir les actions de promotion. » Tous les participants signent une charte nationale et s’engagent à réaliser un panneau d’auto-évaluation de leurs pratiques par rapport aux critères de l’agriculture durable, qui pourra être une base de dialogue avec les visiteurs le jour J.
Sensibiliser les consommateurs et transmettre une passion
« Mais celle-là elle est pleine non ? C’est vrai que les vaches prennent des coups de soleil ? Vous ne leur coupez pas les cornes ? » Chaque question est l’occasion pour l’éleveuse d’expliquer ses pratiques… Mais également de pointer avec pédagogie les différences avec des élevages plus conventionnels. « Les cornes y sont souvent coupées pour éviter que les bêtes ne se blessent entre elles lorsque elles sont en intérieur, ici ce n’est pas la peine, explique Aurelie, qui précise que c’est également une difficulté pour la manipulation par les éleveurs. Je ne garde que celles qui sont gentilles et que je peux approcher pour les soins du quotidien.»
Au Domaine du Poirier, les veaux naissent dans les prés aux beaux jours et grandissent ensuite avec leurs mères jusqu’au sevrage vers dix mois. « Ma viande de veau est rosée ! C’est grâce aux minéraux et au fer présents dans la nourriture ». Les yeux des visiteurs s’agrandissent lorsqu’elle leur apprend qu’en circuit long, les veaux sont volontairement anémiés et privés d’exercice pour garder leur viande blanche. « Les grandes surfaces payent moins cher pour une viande de veau rosée… car ce n’est pas ce à quoi sont habitués les consommateurs. »
Un choix militant
« Cette année, toutes nos bêtes sont parties en circuit court, c’est une grande fierté pour moi ». L’agricultrice est souvent interrogée sur les questions de bien-être animal. « Je les amène moi-même à l’abattoir, à 30 minutes d’ici en tracteur. Et je connais la personne qui les abat. C’est important pour moi qui les ai vu naître de pouvoir les suivre jusqu’au bout. »
Pour Aurélie, participer à cette opération est également un choix militant, pour montrer une certaine conception de l’agriculture « Beaucoup d’agriculteurs n’arrivent pas à se tirer un salaire. Nous, c’est la vente directe qui nous a permis de pouvoir vivre de notre métier, et de continuer à produire comme les consommateurs le souhaitent : de manière extensive, en respectant l‘animal… et le client avec un prix de vente équitable ! »
Aurélie, comme plus de 500 autres producteurs dans toute la France, ouvrira à nouveau ses portes pour l’édition 2021 de l’évènement. Et si on se donnait rendez-vous à cette occasion pour une balade « de ferme en ferme » ?
Plus d’infos : www.defermeenferme.com