Tour de prairie en Normandie © Réseau des Civam Normands
Gagner du temps…
Observation, conduite des animaux, clôtures… le pâturage nécessite de s’organiser pour gagner du temps. L’aménagement de chemins adéquats, une réflexion sur le système d’alimentation en eau ainsi que des clôtures adaptées et faciles d’entretiens, permettent de limiter les interventions et de faciliter l’organisation du travail.
…et de l’argent
Aménager, cela veut aussi dire investir. Les chemins, les clôtures, les abreuvoirs ou les outils permettant de franchir les routes ont un coût pouvant aller de quelques euros à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Bien conçus, ces investissements permettront de générer des économies directes (carburants, temps de travail) et indirectes grâce au pâturage. Leur rentabilité est à évaluer au cas par cas en prenant en compte les économies de charges estimées.
Aménager des chemins : une nécessité
Le changement climatique crée des conditions de plus en plus favorables à la pousse de l’herbe en automne, hiver et début de printemps. Aller pâturer cette herbe de bonne valeur alimentaire permet de réduire ses besoins en stocks ou de produire plus de lait. Toutefois, le chemin est souvent l’élément limitant pour accéder à cette ressource : les conditions humides apportent rapidement leur lot de glissades, de mamelles sales et de boiteries. Alors pourquoi ne pas réaliser un chemin ?
Tour d’horizon des chemins réalisés par les éleveur·euses normand·es
- Chemins à base de matériaux calcaires : calcaire, craie de la ferme ou marne locale avec incorporation de chaux/ciment, ces solutions sont généralement simples à mettre en place, locales, économes et durables si le calcaire est de bonne qualité. Le coût peut aller de 4€ à 20€ du m².
- Chemins en béton : ce type de chemin peut être ou non associé à un chemin en terre. La deuxième solution est plus longue à mettre en place mais les animaux ont le choix de la terre ou du béton. Ces solutions robustes sont tout de même plus coûteuses.
- Chemins à base d’autres matériaux : les chemins en copeaux de bois sont rapides à mettre en œuvre, permettent de valoriser des ressources sur la ferme mais sont peu durables (chemin compostable). Pour les élevages proches de la mer des chemins en coquilles Saint-Jacques sont envisageables. Plus durables que les copeaux de bois elles sont rapides à mettre en place mais demandent de l’entretien. Enfin la solution coûteuse mais drainante et garantie 20 ans est d’installer des dalles Ecoraster.
Allonger la durée du pâturage
Les aléas climatiques et la volatilité des cours des produits sont des sources de perturbations de plus en plus fréquentes pour l’agriculture. En allongeant la durée de pâturage sur les périodes automnale et hivernale, on peut accéder à une ressource fourragère de qualité et économiser du correcteur azoté. Cela n’est envisageable qu’à condition de disposer d’accès aux parcelles praticables toute l’année.
Augmenter les surfaces accessibles
L’agrandissement des troupeaux, l’éclatement foncier ou encore l’urbanisation peuvent limiter l’accès aux prairies et donc, les possibilités de pâturage. Pourtant, un parcellaire morcelé n’est pas une fatalité : aménagements de nouveaux accès, échanges de parcelles à l’amiable ou encore boviducs permettent de limiter ces obstacles. Le pâturage passe donc par des solutions techniques ou relevant de l’arrangement entre individus.
Pourquoi construire un boviduc ?
Dépenser 30 000 €, 50 000 € dans un boviduc ? Que fait-on de la logique économe-autonome? Nombreux sont pourtant les pâtureurs heureux de l’avoir fait : le boviduc permet d’envoyer leurs vaches travailler de l’autre côté de la route à la place de l’éleveur, en délestant celui-ci du stress de la traversée de la chaussée avec le troupeau. Voilà qui plus est un matériel qui ne va pas tomber en panne et n’a nul besoin de fioul pour rendre service au quotidien. Un investissement « béton », qui peut être aidé par les collectivités.
+ d’infos sur comment aménager sa ferme pour le pâturage tournant
Tour d’horizon des solutions des Civam normands
Pourquoi investir dans un boviduc ?
Paroles d’éleveur
Gérard Grandin, éleveur dans l’Orne, explique pourquoi il s’est penché sur la question des chemins.
Comment t’est venue l’idée ?
« Les chemins étaient déjà existants sur l’exploitation. Cependant, ils n’étaient pas stabilisés. Dans ce cas, dès qu’il pleut en arrière saison, tôt en fin d’hiver, ou en début de printemps, cela devient très boueux même si les sols sont drainants. Ensuite ce sont les mamelles qui sont sales, les pattes qui souffrent et cela entraîne des boiteries. Différentes visites de fermes m’ont convaincu de l’utilité de réaliser de bons chemins pour pouvoir aller vers un système maxi-pâturant. »
Quels autres intérêts as-tu constaté ?
« C’est un investissement qui peut paraître cher au début mais qui se déprécie moins qu’un tracteur ou autre matériel. Les néo- zélandais en systèmes pâturants disent que les investissements rentables en lait sont le parcellaire accessible aux vaches, les chemins et la salle de traite. »
Comment s’adaptent les animaux ?
« On n’a jamais de mal à s’adapter à quelque chose de mieux qu’avant, que ce soit nous ou les animaux. »
Et comment as-tu choisi les matériaux ?
« J’ai vu des chemins chez un voisin qui était satisfait et qui travaille avec le même entrepreneur que moi. J’ai donc réalisé la même chose, à savoir pierre et stérile (déchet de carrière) compactés. »
Pour quels coûts ?
« 17 € HT/m². Cela comprend le décapage de la terre végétale, l’encaissement avec les pierres grossières dans le fond (extraites sur place pour réduire les coûts) ainsi que le recouvrement superficiel avec un matériau qui se prend en masse une fois tassé. »
Tu as récemment installé un boviduc, pourquoi ce choix coûteux ?
« J’ai fait le choix de débourser 43 000 €, entièrement à ma charge, pour faire creuser un boviduc sous la route afin que le troupeau accède à l’autre côté de la départementale. Le système est ainsi passé de 30 à 37 ha accessibles aux laitières et 12 autres qui le deviennent un peu plus et où j’envoie les génisses. Cela fait la différence pour qui veut sortir ses vaches 11 mois sur 12 et c’est moins cher qu’une autochargeuse ! (4500€/an pour le boviduc, 7500€/an pour l’autochargeuse) »