Grâce à la mobilisation des habitants et l’engagement de la commune de Hures la Parade, le moulin à vent de la Borie a retrouvé ses ailes… et un meunier. Un projet aux multiples bénéfices : valorisation du patrimoine, dynamisation de l’économie locale, amélioration des pratiques de cultures, échanges et solidarité entre les agriculteurs et habitants du territoire…
D’UNE VOLONTÉ CITOYENNE DE RESTAURER LE PATRIMOINE BÂTI …
En 2012 des habitants du Causse Méjean se sont réunis autour de l’idée de restaurer un moulin à vent. Au XVIIIème siècle, le Causse Méjean était considéré comme le grenier à céréales de la Lozère. Il reste de cette époque quelques tours en pierre, vestiges des cinq moulins à vent transformant ces céréales en farine. Le projet est d’abord patrimonial. Il évolue rapidement vers un projet économique et social.
Aujourd’hui, la production de céréales a très fortement diminué sur ce plateau et se destine principalement à l’alimentation du bétail.
Le collectif d’habitants souhaite remettre en culture des céréales panifiables, faire du moulin de la Borie un réel outil de production et rassembler les acteurs locaux autour de la création d’une filière meunerie.
Il fait appel à la FRCIVAM Occitanie pour les accompagner dans l’étude de faisabilité du projet, puis dans sa mise en place. La démarche veut favoriser la réappropriation du patrimoine naturel et culturel par les habitants, le renforcement des liens sociaux, la création d’activités et d’emplois, le développement d’une alimentation locale et le respect de l’environnement.
… À LA CRÉATION D’UNE FILIÈRE LOCALE FÉDÉRATRICE
Pour rassembler au mieux les agriculteurs du territoire, le groupe choisit de développer une gamme bio et une gamme conventionnelle. Un travail de concertation a permis aux producteurs pratiquant les deux formes d’agriculture d’agir ensemble sur des objectifs communs.
Dès le début, quatre boulangers locaux sont associés à la démarche. Leur implication dans l’association la Farine du Méjean permet de créer un lien fort entre l’amont et l’aval et d’orienter les choix des agriculteurs pour les céréales et variétés à semer.
Pour prendre en main la gestion du moulin, un appel à candidature est lancé en 2016 dans le réseau des anciens de l’école de meunerie. Thierry Coulon, fort de ses trente ans d’expériences dans la meunerie et à la recherche de plus d’authenticité dans son métier, répond aussitôt. Depuis octobre 2017, le moulin à vent de la Borie est fonctionnel et le meunier s’émerveille chaque jour d’y produire la farine nommée Méjeanette®.
Agriculteurs, transformateurs et consommateurs ont tissé des liens de confiance à travers la construction de cette filière. Chacun connaît les contraintes de l’autre et s’adapte pour servir le projet de territoire. Le moulin est aujourd’hui un lieu de rencontre et un sujet d’échanges entre tous : dans la file d’attente des boulangeries, il n’est pas rare d’entendre la Méjeanette® susciter des discussions enthousiastes entre les clients.
D’UN PROJET DE TERRITOIRE À UNE DYNAMIQUE D’ÉCHANGES DE PRATIQUES ENTRE AGRICULTEURS
Un projet au service du territoire …
Dans cette zone rurale isolée, André Baret, maire de Hures la Parade, y voit un projet susceptible de participer au développement économique et à l’attractivité du territoire. Une nouvelle famille s’est installée sur le Causse, celle du meunier. Au total, deux emplois autofinancés sont créés au moulin : un pour la production de farine et l’autre pour l’accueil touristique et pédagogique. L’emploi d’une troisième personne est envisagé par la suite. Le moulin à vent de la Borie vient étoffer un réseau de sites touristiques déjà existants sur le Causse Méjean. Prenant toute sa place dans ce territoire classé Patrimoine mondial de l’UNESCO, il est une raison de plus d’attirer des touristes et peut-être encore de nouveaux habitants. La large commercialisation de sa production permet aussi de promouvoir le moulin et de faire parler du territoire.
Les habitants ont été réunis à différentes étapes de la construction de la filière et des travaux du moulin, de manière à les rendre acteurs du projet et faciliter leur appropriation du moulin à vent. La commune, comme maître d’ouvrage de la restauration du moulin à vent de la Borie, a sollicité pour les travaux des financements publics (Europe-FEDER, Conseil Départemental de Lozère) et des souscriptions publiques via la Fondation du Patrimoine1.
Acteurs de la filière meunerie, artisans, habitants, collectivités, sites touristiques, archéologues, associations locales et régionales … pour faire aboutir ce projet multifacettes, toutes sortes de compétences ont été réunies. « Cela a créé une synergie entre personnes qui ne se seraient peut-être pas croisées ou qui croyaient ne pas partager des valeurs communes. Cela apporte de l’énergie et de la confiance pour développer d’autres projets encore ! ».
« C’est un projet extraordinairement complet qui apporte une richesse sur le territoire, c’est une pâte qui a bien pris grâce à tous les ingrédients nécessaires apportés à la recette. Pour moi, c’est une réussite quand on voit que les habitants s’approprient le moulin à vent et partagent avec les initiateurs du projet la fierté d’avoir « leur moulin ».
« Depuis les territoires proches, beaucoup de regards se sont portés sur nous, d’abord condescendants puis envieux. C’est un mouvement qui fait la démonstration que même dans les petits territoires, si l’on met de l’énergie, de l’envie, on peut mener à bout nos projets les plus fous. Ça apportera de la dynamique aussi chez nos voisins. »
Témoignage d’André Baret, maire d’Hures la Parade
… et au service des agriculteurs ?
Bien que la filière ait été construite de manière à garantir une meilleure valorisation des céréales, ce n’est pas pour le revenu direct que les agriculteurs s’engagent dans la filière. Cependant, Eric Moreau, agriculteur bio et président de l’association la Farine du Méjean, remarque : « être en collectif, ça nous permet de nous positionner sur des marchés auxquels on n’avait pas accès avant, parce que tout seul on n’avait pas suffisamment de volume ».
Il s’agit de renforcer les liens sociaux entre agriculteurs et de répartir les risques de vulnérabilité des cultures. Chacun sème de petites surfaces qui n’entrent pas en concurrence avec la production d’aliments pour les troupeaux.
Les agriculteurs sont donc d’abord animés par la volonté de faire vivre le territoire. Le projet leur permet aussi de redonner du sens et de la fierté à leur métier. Un agriculteur explique : « ce qui est intéressant c’est que l’on va pouvoir suivre cette matière première et avoir sur le territoire un produit fini qui aura été conçu ici. On va pouvoir en parler aux gens. ».
En se rassemblant autour de la filière, les agriculteurs observent plus d’entraide et de travail en commun. Eric précise : « Avant, chacun moissonnait dans son coin. Maintenant c’est mieux organisé. On voit avec le moissonneur pour que les chantiers s’enchaînent bien chez les uns et les autres, on se prête les bennes … ». Ce sont leurs relations sociales qui se sont améliorées : « Avant on se croisait une fois par an à la fête du 15 août, maintenant on se voit beaucoup plus souvent et nos sujets de conversation ont changé. Quand on se rencontre, on ne parle plus de la pluie et du beau temps. On parle moulin, farine, on partage nos expériences et nos pratiques ».
En effet, un programme de formation sur le sol et la culture de céréales panifiables a émergé de cette dynamique commune. Les échanges techniques entre agriculteurs se sont multipliés et ont impulsé des changements. « Y en a qui sont passés en bio, y en a qui, par exemple, ont acheté du matériel pour réduire le travail du sol. Ça fait évoluer les pratiques culturales. »
D’un point de vue environnemental, le cahier des charges élaboré par le groupe et l’utilisation de variétés rustiques de céréales a permis de diminuer l’utilisation des intrants. Pour aller plus loin, les agriculteurs ont choisi de remettre en culture des variétés anciennes de céréales panifiables. La sélection et la multiplication en cours permettront de définir des variétés bien adaptées au territoire et à la fabrication de farines.
Enfin, Eric voit dans ce projet un levier important pour faciliter la transmission de son exploitation. « S’il y a de la diversification, ça donne plus envie. Ça change de la monotonie de la monoculture. Et ça revalorise l’exploitation d’être impliqué dans une filière locale ! »
Le moulin à vent de la Borie a donc impulsé une dynamique d’échanges et de changement de pratiques chez les agriculteurs du Causse Méjean. Il est le reflet d’une identité territoriale forte. Un moteur d’innovation économique et sociale qui n’est pas prêt de s’arrêter.
Le moulin de la Borie… Avant/Après :
Pour en savoir + :
Animatrice Antenne Lozère
FRCIVAM Occitanie
Tél : 04 11 73 18 01
Mail : alice.mulle@civam-occitanie.fr
Retrouvez les différentes action de la FR CIVAM OCCITANIE autour de la structuration de filières locales
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