Fermoscopie – Jean-Michel Favier
Depuis maintenant dix ans, Jean-Michel a repris une exploitation en bovin viande qu’il a réorientée afin de valoriser les parcours naturels. Il cherche à réduire le travail de production de fourrages et sa dépendance aux intrants. Ses deux clés pour maintenir la sécurité fourragère de son troupeau dans le changement climatique : le report sur pied et les échanges foin-fumier avec des céréaliers.

Jean-Michel s’installe en 2012 avec sa famille après une carrière de technicien à travers le monde. Il reprend alors une exploitation en bovin viande mixte Aubrac/Charolaise dont le système reposait en grande partie sur la fauche. Il a réorienté son troupeau vers une race Aubrac plus rustique et capable de valoriser davantage les parcours naturels. Il cherche ainsi à réduire le travail de production de fourrage et sa dépendance aux intrants. Il réoriente en même temps les circuits de commercialisation pour passer de la coopérative à la vente directe. Depuis 2021, il peut transformer ses produits grâce à un atelier de découpe bio collectif monté avec l’appui du CIVAM Empreinte.
La ferme en bref
SYSTÈME D’ALIMENTATION
Système basé sur le pâturage et deux mois d’affouragement avec le foin produit sur l’exploitation
PRODUCTIONS
85 UGB (± 10 selon les années) pour un chargement d’environ 0,37 UGB / ha
60 vaches allaitantes Aubrac pures et croisées Charolaises
3 taureaux (Aubrac, Charolais et Angus)
52 génisses
24 veaux (sevrés à 9 mois)
Taux d’engraissement de la ferme : 70%
Vente directe de veaux 6-8 mois et vaches
ÉCONOMIQUE (2017)
Produits : 64 534 €
Charges : 29 283 €
EBE : 81 524 €
Résultat courant : 53 130 €
Revenu disponible : 56 724 €
Résultat social : 57 605 €
ALÉAS CLIMATIQUES RENCONTRÉS
Sécheresse au printemps et à l’automne (d’avril à novembre). Peu de précipitations pendant deux tiers de l’année couplées à du vent et de fortes chaleurs.
LES CONSÉQUENCES
L’herbe est impactée toute l’année et implique une utilisation précoce du stock d’hiver.
Son défi
Jean-Michel doit composer avec un milieu volcanique séchant mais qui propose une ressource pâturable très diversifiée, à qui sait la valoriser : légumineuses, trèfles, graminées, végétation arbustive (ronce, églantier), sous-bois et prairies mûres.
Sa stratégie
Pour gérer la ressource et assurer son autonomie fourragère toute l’année, Jean-Michel actionne plusieurs leviers complémentaires :
« Je suis beaucoup plus vigilant sur l’aspect génétique et surtout sur l’aspect éducation des animaux parce qu’au plus jeune âge, il faut qu’ils s’habituent à un type de végétation et à une façon de pâturer. En première intention, j’essaie d’avoir du report sur pied capable de se maintenir à la mauvaise saison, de l’herbe déjà grainée et sèche mais qui reste appétente. Mais, je m’aperçois que je n’ai pas assez de surfaces pour avoir du stock sur pied de réserve en cas de très mauvaise année comme 2017. Dans ces cas-là, la mise en réserve est de toute façon limitée. Et mes prairies ont un rendement limité que je ne veux pas forcer.
Dans cette situation, je fais tirer mes bêtes en sous-bois pendant l’été. Elles tiennent bien. Je ne veux pas les faire maigrir pour pouvoir assurer des ventes en boutique. Mais en automne 2017, il n’y avait plus rien. J’ai dû distribuer le foin que j’avais stocké pour les 2 mois d’hiver.
Depuis, avec des collègues du Civam Empreinte, on se met à faire du foin dans la plaine, chez des céréaliers. Pour être en bio, ils allongent leurs rotations et ont des cultures dont ils ne savent pas forcément bien comment les valoriser. Alors, nous, par exemple, on fauche une première coupe de luzerne semencière. C’est toujours mieux que de la broyer. L’échange est gagnant-gagnant. Les sols sont plus profonds en plaine, la réserve d’eau est plus importante. Les rendements sont donc plus sûrs et plus élevés. Nous faisons tout le travail de récolte et payons le foin en fonction du volume récolté. Et en échange, on leur livre du fumier. Pour le moment, tout compris, ça nous revient bien moins cher que de l’acheter et on connaît la qualité de ce qu’on rentre. Actuellement, certains d’entre nous « commandent » même des mélanges sur certaines parcelles pour avoir une récolte plus adaptée à leurs besoins. »
Assurer la sécurité fouragère
Pour permettre de pâturer quasiment toute l’année, Jean-Michel fait pâturer en sous-bois l’été, utilise le report sur pied et fauche les intercultures de ses collègues céréaliers de la plaine.