« Fixer un prix, c’est avant tout une démarche qui consiste à définir l’activité qu’on pratique »
“Avec la vente directe des produits agricoles, nous avons eu la chance de pouvoir nous réapproprier collectivement la fixation des prix, et donc nos revenus, non sans questions, difficultés…” Arlette Menu et Laurence Sruh, Accueillantes
L’accueil social est une autre situation concrète, immédiate où il nous faut « dire » un prix. Et dire un prix c’est aussi questionner le contexte économique, social, professionnel et institutionnel.
Il y a vingt ans, pour beaucoup d’accueillant.e.s, les premiers accueils étaient réalisés de manière bénévole avec une indemnisation ne couvrant souvent pas le « manque à gagner » lié au temps pris sur la ferme. Nous avons peu à peu revendiqué, non pas des indemnités, mais des prix de journées, qui reconnaissent le temps passé et rendent visible le travail réalisé : « l’accueil ce n’est pas juste laver les draps et couper le rôti », nous disait une accueillante il y a peu.
Comme nous le concevons, c’est d’abord une posture éthique, un engagement. C’est aussi un travail collectif et continu de réflexion sur le sens et l’organisation des accueils, d’amélioration des pratiques, d’échange et de formation. Nous avons revendiqué des prix de journée afin de pérenniser ces activités et générer des compléments de revenus pour de petites exploitations diversifiées.
Aujourd’hui, nous sommes de plus en plus interpellés par des travailleurs sociaux, qui souhaitent créer une activité d’accueil en milieu rural. Cette démarche qui rend compte des évolutions que connaît le secteur social, réinterroge les prix pratiqués : peut-on bâtir autour d’un support rural une activité exclusive d’accueil social et en vivre ?
Ainsi la rémunération interroge la frontière entre un lieu d’accueil paysan et un lieu d’accueil social spécialisé. L’accueil à la ferme et en milieu rural, pour les réseaux CIVAM et Accueil Paysan, c’est d’abord une activité agricole ou rurale, où l’accueil représente un complément de revenu et où les accueillis prennent place dans l’environnement familial, professionnel, amical ordinaire de ceux qui les reçoivent.
Depuis la mise en place des accueils, nous n’avons de cesse d’interroger l’articulation de nos activités avec les différentes formes du travail social, afin de ne pas nous retrouver à faire du travail social « bradé », « à bas coût », et favoriser ainsi le désengagement de l’État de ses institutions sociales.
Aujourd’hui, cohabitent aujourd’hui des accueils en institutions, y compris alternatives comme les lieux de vie, qui peuvent avoir un support rural, et des formes diverses d’accueil familial.
Nous devons, lorsque nous réfléchissons aux prix, savoir ce que nous faisons tout en questionnant les frontières et les articulations, car notre travail se conjugue en fonction des diverses coopérations sociales.
Un texte d’Arlette Menu et Laurence Sruh
Edito à retrouver dans le livret “Définir son prix en accueil social”
Pour aller plus loin sur le sujet, découvrez notre nouveau livret :
Définir son prix d’accueil
Le prix : une question d’actualité éminemment politique
À l’heure où nous écrivons ces lignes, en pleine crise du coronavirus, la France entière s’émeut de ce que les métiers les moins bien payés, soient les plus utiles, soient ceux qui doivent « tourner » coûte que coûte malgré le confinement de la population : éboueurs, agriculteurs, caissiers… Les métiers du soin et de l’accompagnement social sont les premiers concernés.
En travaillant sur les prix d’accueil, nous n’appelons pas à fuir des postes mal payés pour créer une activité indépendante, dont nous ferions miroiter qu’elle serait plus rémunératrice. Nous concevons l’accueil comme une activité complémentaire au travail des institutions sociales et médico-sociales aujourd’hui en crise.
C’est à la fois quelque chose d’autre, et aussi un peu « le même bateau ». Car en questionnant les prix nous touchons à des enjeux qui dépassent de loin l’accueil à la ferme : quelle reconnaissance pour le travail du soin à l’autre et de l’accompagnement social ? Qu’est–ce qui, dans le contrat social que nous passons ensemble, nous semble indispensable et prioritaire ? Souhaitons réaffirme aujourd’hui que la société doit soin et protection à tous et a fortiori aux plus fragiles ? Comment souhaitons-nous rétribuer ceux qui réalisent ces missions pour le compte de tous ? Comment collectivement construire un rapport de force en faveur des métiers si utiles et si mal payés ?
Nous poursuivrons notre long travail de plaidoyer pour la reconnaissance de l’accueil social à la ferme, tout en gardant un regard attentif et militant sur le sort fait à l’ensemble des structures sociales et médico-sociales : en aucun cas nous n’accepterons d’être un pas vers l’uberisation du travail social !
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