Ce matin, une petite dizaine d’éleveurs et d’éleveuses suivent Cyrille, dans sa prairie. « Je vous ai amenés sur une parcelle qui me pose question. Elle a 6-7 ans, elle donne quelques signes de faiblesse, mais je ne veux pas pour autant la casser » explique-t-il au groupe, réuni pour tester Mission PERPET® , le nouvel outil pour réfléchir au vieillissement des prairies.
Le grand plateau de jeu est placé au milieu de la prairie, et l’animateur du groupe, Romain, explique les règles et le déroulé de la matinée. «C’est un exercice de co-construction, il est donc primordial que tout le monde se mette dans une posture au service de l’agriculteur qui accueille et au service du groupe et non dans une posture de jugement. Il n’est pas question de bonnes pratiques en soi, mais de pratiques adaptées à ce que l’on veut.»
UNE PARTIE EN 3 ÉTAPES
Une partie en 3 étapes, pour réfléchir des pratiques adaptées à l’état de sa prairie et à ses attentes.
1. DIAGNOSTIC PRAIRIAL COLLECTIF
Les participants s’éparpillent en petits groupes dans la prairie avec pour mission d’étudier la composition floristique de sa zone, avant de revenir autour du plateau avec le résultat de leurs observations.
« L’outil propose des clés de reconnaissance simples qui permettent l’acquisition rapide de compétences pour la détermination floristique du fond prairial » précise Romain en montrant les cartes plastifiées qu’il vient de récupérer. « Les supports pédagogiques permettent une appropriation rapide et dynamique de connaissances et de savoirs-clés »,
Les cartes détaillant les espèces et le plateau de jeu vont ainsi servir de supports pédagogiques pour permettre au groupe de « noter » la prairie selon sa couverture, la qualité de sa composition floristique et son rendement. L’animateur rappelle que des zones différentes ayant été observées, aucun groupe n’aura “plus raison” qu’un autre. Il s’agit justement au travers de la confrontation des résultats de susciter des échanges autour de la prairie et d’acquérir ou de consolider des connaissances techniques.
Chaque question ou interaction est d’ailleurs une occasion de préciser des informations. Ainsi, les diverses dicotylédones sont souvent considérées comme “indésirables” par les agriculteurs ou les techniciens et ont des valeurs pastorales faibles. Or on sait désormais que des prairies riches en diverses (20%) permettent une valorisation d’herbe supérieure à 6 tMS/ha. (PLus d’infos dans les résultats du projet de recherche PERPET* dont est issu cet outil).
« L’animal, les diverses, il les mange. Notre regard est une façon de classer la prairie mais c’est l’animal qui a raison ! » résume Patrice, l’un des participants.
2. DÉTERMINER LES FONCTIONS FOURRAGÈRES PRINCIPALES
«Qu’est-ce que tu attends de cette prairie ? Est-ce que tu la gardes pour du 100% pâturage ? Pour de la fauche ? Quels animaux veux-tu mettre dessus ? Des laitières, des taries ? » Cyrille est questionné par les participants.
Selon les objectifs des éleveurs, les prairies peuvent avoir des fonctions très différentes (exemples : une prairie proche de la stabulation pour un pâturage tout au long de l’année ; ou une prairie éloignée destinée à la fauche pour des stocks de qualité).
Elle peut donc nécessiter des qualités floristiques très différentes. A chaque fonction fourragère, correspond donc une végétation « idéale ». Des cartes fonction rappellent ces caractéristiques, et les traduisent par des notes de couverture/flore/rendement.
Les participants vont instantanément pouvoir constater les éventuels décalages par rapport au diagnostic qu’ils viennent de réaliser… Et réfléchir collectivement sur les leviers à mettre en oeuvre pour que la prairie remplisse la fonction attendue.
3. QUESTIONNER LES PRATIQUES… ET SUGGÉRER DES AMÉLIORATIONS
« Et l’hiver, tu fais quoi ? Est-ce que tu as utilisé le tracteur ? Dans le pâturage, tous les ans : c’est le même ordre ? » Au fil des questions à l’agriculteur, les participants reconstituent saison par saison ce qui est fait sur sa prairie, et matérialisent ses pratiques par des cartes magnétiques sur le plateau de jeu.
Pratiques en matière de pâturage (entrées, sorties, chargement…), de fertilisation, de mécanisation (sursemis, ébousage…), ou encore stade de récolte… Chaque pratique est questionnée, au regard de son impact sur la problématique de l’agriculteur et de la fonction de sa prairie. Et par exemple : faire revenir le trèfle dans une prairie dédiée au pâturage, augmenter le rendement, boucher les trous, se débarrasser des chardons…
« Cet outil vise une mise en discussion des pratiques, afin qu’en se penchant sur la résolution collective d’une problématique d’éleveur, chacun reparte avec des réflexions sur la mise en cohérence de ses pratiques avec ses prairies et la fonction fourragère qu’on leur donne» résume Romain. « La partie dure 2 à 3 heures suivant les échanges, ce qui est un bon compromis pour la caler dans une journée de formation »
ALORS AU FINAL QU’EST-CE QU’UNE BONNE PRAIRIE ?
Le jeu permet de questionner les perceptions des éleveurs et de leur permettre de dépasser les considérations de productivité…. « On travaille avec des bureaux ouverts, les collègues voient les champs… D’où l’importance de la confiance pour assumer ces regards: mon champ n’est peut-être pas le plus beau, mais il correspond à mon système », remarque avec humour un éleveur .
« La bonne prairie, c’est la prairie qui remplit la fonction qu’on en attend dans son système. Et on peut changer ses attentes ! » conclut Estelle, l’une des éleveuses participantes.
Pour permettre une bonne prise en main de l’outil, Mission PERPET est diffusé dans la cadre d’une formation de 2 jours. Proposée par Réseau Civam et l’Idele, elle alterne des temps théoriques sur le vieillissement des prairies et mise en pratique sur des fermes.
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* Le projet multipartenial PERPeT (2016-2020) a eu pour objectif de mieux comprendre les facteurs de pérennité des prairies temporaires d’association graminées-légumineuses. Résultats du projet et nombreuses ressources techniques à retrouver sur le site du Réseau Civam