Pour des
campagnes
vivantes

Pâturage hivernal, ressource à part entière

Avec quelques points de vigilance, il est possible de faire pâturer des prairies d’âges et de sols variés durant l’hiver sans accélérer leur vieillissement, c’est-à-dire sans dégrader la flore ni perdre en densité du couvert.

Témoignage de Gaëtan Bodiguel, éleveur en Bretagne sud et “sèche”

Points de vigilance pour le paturâge hivernal

D’après l’étude réalisée dans le projet Perpet* , on peut pâturer l’hiver sans limite… A condition :

  • D’adapter le chargement instantané et/ou la durée de séjour et/ou le type d’animaux,
  • De sortir dans des conditions météo opportunes (peu de pluie les 5 jours précédents, pas de gel)
  • Et de bien observer son sol (enfoncement des pieds limité, pas d’eau en surface).

Rémy Delagarde, de l’Inrae, précisait lors d’une intervention auprès des éleveurs du Civam Adage 35 :

  • Quand l’herbe est courte les densités sont élevées.
    Les vaches savent pâturer ras. Le dernier cm pâturé vaut plus de 500 kg MS/ha. En hiver, la hauteur de sortie peut atteindre 3 cm sans pénaliser les performances animales. Avec une entrée de 5-6 cm, la hauteur de sortie doit correspondre au numéro du mois pour la période de mars à juin. L’herbe est valorisable jusqu’à 2 cm sans faire de dégât à la flore et sans diminuer les performances.
  • Contrairement aux idées reçues, l’herbe d’hiver (janvier à mars) n’est pas riche en eau (18-20 % MS).
    Plus l’herbe est sèche plus les vaches en mangent. La pluie mène à un problème d’appétence mais non d’ingestion.
  • Aucune complémentation n’est a distribuer si les vaches accèdent 8-10h/jour à la pâture avec de l’herbe haute et 10-12h quand la hauteur d’herbe est faible.

Témoignage de Gaëtan Bodiguel, éleveur à Muzillac (56)

Quelles étaient tes pratiques avant cette expérimentation ? Que voulais-tu tester en y participant ?

Gaëtan Bodiguel : “J’ai toujours fait pâturer les vaches en hiver : la ferme est dans une zone sèche et si on ne profite pas de l’herbe lorsqu’il y’en a, on n’optimise pas le système herbager et on gaspille. Cela permet aussi de compenser les étés secs.
Ce qui m’intéressait dans cette expérimentation, c’est de mettre des chiffres sur une pratique déjà en cours pour voir si l’intérêt se confirme et s’il y a une vigilance à avoir sur certains points.

As-tu constaté des différences entre paddocks expérimental et témoin en cours d’expérimentation ?

G.D. : Sur le témoin non pâturé l’hiver, j’ai constaté que le déprimage se passait moins bien que sur le paddock pâturé : les vaches avaient davantage de mal à raser car l’herbe ancienne était jaunie à la base et visiblement peu appétente.

Quels enseignements tires-tu des résultats de l’expérimentation ? Avec quels points de vigilance ?

G.D. : Je retiens qu’il n’y a pas de danger pour la prairie à faire pâturer l’hiver en surveillant l’état du sol. J’ai bien vu que je gagnais un pâturage sur le paddock expé par rapport au témoin sans perdre en rendement sur le reste de la saison. Le redémarrage en février-mars peut être un peu plus lent mais les hauteurs d’herbe se rejoignent en avril et la densité ne change pas .Cela vaut pour mes prairies humides : je vais continuer à faire pâturer le plus tard possible à l’automne en conditions limites. Elles ont tout l’hiver et le printemps pour se refaire puisque je ne peux y revenir qu’en mai-juin. En point de vigilance pour les vaches,je donne toujours de l’enrubanné avant de les mettre au pâturage l’hiver, pour éviter tout risque alimentaire et sanitaire.

Suite à cet essai, vas-tu modifier tes pratiques ? Comment ? Que penses-tu y gagner ?

G.D. : Cela confirme mon idée de maximiser le pâturage et donc de pâturer l’hiver d’autant plus que cela me permet d’équilibrer la ration. Je ne donne plus de bouchons de luzerne depuis un an et je vais poursuivre comme ça. Ce qui m’étonne c’est de voir la multitude des espèces qui peuvent s’installer dans la prairie certaines années. On peut avoir l’impression qu’une année la prairie se dégrade, visuellement ce n’est pas joli, mais on voit bien que la flore peut s’améliorer à nouveau, le trèfle se maintient même dans mes prairies de 8 ans et d’autres graminées intéressantes peuvent s’installer .Le tout, c’est d’être patient car on atout intérêt à faire durer la prairie le plus longtemps possible.”

 

Vous souhaitez en savoir plus ? Découvrez notre publication

Pourquoi/Comment bien faire vieillir ses prairies semées d’association graminées-légumineuses

 

Articles similaires

Rendre sa ferme plus autonome pour faire face à la volatilité des prix

Mesurer la performance économique, sociale, environnementale et climatique, c’est le travail fourni par cette nouvelle édition de l’Observatoire Civam des fermes de l’Ouest en Bovin lait (basé sur les exercices comptables 2022 de 141 fermes). Il démontre, chiffres à l’appui, que dans cette année marquée par un contexte géopolitique (guerre en Ukraine) et climatique (déficit de pluviométrie) instable qui a notamment entraîné une volatilité des prix du lait, des pratiques autonomes et économes permettent aux éleveurs·euses de maintenir la rentabilité de leur ferme et sa pérennité tout en favorisant sa robustesse.

Agriculture durable
Presse
Mobilisation & mal-être agricole : les Civam alertent sur les responsabilités du modèle agro-industriel et enjoignent à garder le cap de la transition agroécologique

Face à la mobilisation du monde agricole sur l’ensemble du territoire, les agricultrices et agriculteurs membres du réseau des Civam pointent les responsabilités du modèle agro-industriel dans le mal être paysan et alertent sur le risque de faire des normes environnementales un bouc émissaire.

Agriculture durable
Presse
Lettre ouverte à la ministre, Annie Genevard

Madame la Ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté et de la Forêt,
A l’heure d’une crise agricole et alimentaire majeure, votre nomination vous oblige.

La France doit ré-orienter l’ensemble des politiques publiques agricoles et alimentaires, de manière cohérente et ambitieuse, en faveur de la transition agroécologique et du droit à l’alimentation.

Agriculture durable
Alimentation
Installation - Transmission
Presse
Propositions
Quelles pratiques pour une meilleure gestion de l’eau ?

L’été est depuis ces dernières années victimes de forts épisodes de sécheresse dans de nombreux territoires. La gestion économe de l’eau en devient cruciale pour les citoyen·nes et les agriculteur·ices. Le Monastère de Solan est un lieu emblématique du Gard où les religieuses exercent des activités agricoles usant de techniques multiples pour sauvegarder l’eau. En fin d’année dernière, 15 paysan·nes ou en devenir et 15 technicien·nes, animateurs·rices des Civam et enseignant·es, ont pu échanger avec la soeur cheffe de culture et Olivier Hébrard consultant en agroécologie.

Agriculture durable
Propositions
Bientôt des vêtements en chanvre ?

Depuis plusieurs années, le Réseau des Civam normands, avec l’association Lin et Chanvre Bio, assurent le suivi agronomique d’une dizaine d’expérimentations en chanvre textile un peu partout en Seine- Maritime. Son but ? Lever tous les obstacles pour faire émerger cette filière (pas si nouvelle). Retour sur une année de production qui a donné du fil à retordre mais également généré de belles attentes pour la suite.

Agriculture durable
Propositions
Aménager sa ferme : tous les chemins mènent au pâturage

Mettre en place un système herbager pâturant performant nécessite de valoriser au mieux ses prairies. Il est donc nécessaire d’aménager son exploitation et son parcellaire en conséquences. Il faut également parfois s’affranchir de certains obstacles pour amener les animaux au pâturage : routes, rivières… mais également se tenir prêt en cas d’intempéries. Voici plusieurs bonnes raisons de bien penser l’aménagement de sa ferme et quelques pistes techniques.

Agriculture durable
Propositions