La période que nous traversons est un véritable choc : choc de civilisation d’abord avec la guerre en Ukraine, choc politique et aussi choc économique qui atteint tous les secteurs d’activité dont l’agriculture. La flambée des prix des carburants, engrais, produits phytosanitaires et autres aliments du bétail vient balayer toutes les certitudes établies. Bien plus encore, c’est une remise en cause profonde et brutale d’un modèle productiviste hyper dépendant des énergies fossiles. Il est d’autant plus violent dans les filières d’élevages hors-sol dépendantes des achats d’aliments extérieurs.
Les plus fervents défenseurs de ce modèle agricole à bout de souffle pratiquent la politique de l’autruche. Ils s’enlisent dans une fuite en avant technologique qui se heurte déjà aux limites énergétiques et écologiques. Le cornucopianisme d’Etat (1) est mortifère lorsqu’il touche à l’agriculture, donc à l’alimentation, qui repose sur les cycles immuables du vivant.
Les remises en cause récentes du Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation de la politique de la Ferme à la fourchette (Farm to Fork) nous inquiètent au plus haut point. Nous craignons de voir les objectifs de transition agroécologique gravement remis en cause, à travers le détricotage de la politique agricole commune.
Depuis des décennies nos réseaux ont développé une expertise reconnue sur les systèmes économes en intrants, autonomes, bio. Nous mettons en avant le lien au sol et l’autonomie. Nous prônons la polycuture-élevage et la sobriété énergétique qui l’accompagne grâce aux animaux et aux légumineuses pour la fertilité des sols. Nous rappelons sans cesse le rôle primordial de la prairie dans la quête d’autonomie, mais aussi pour la diminution des intrants, la qualité de l’eau et son rôle bénéfique pour le climat et la biodiversité. Ces valeurs sont aujourd’hui porteuses de sens et oh combien d’actualité.
Forts de cette expérience, nous pensions naïvement être les plus à même d’apporter ces solutions d’avenir testées et éprouvées depuis de nombreuses années sur le terrain pour le volet agricole du plan de Résilience. Quoi de plus logique pour ce plan que de s’appuyer sur des systèmes économes, autonomes et donc résilients ? Quoi de plus résilient que des fermes qui se passent facilement des importations d’ammonitrates fabriqués à partir d’énergies fossiles (le plus souvent russe) et de tourteaux de soja OGM issus en grande partie de la déforestation de l’Amazonie, le tout avec un impact positif sur la santé du consommateur et du producteur grâce à une agriculture durable et biologique.
Le plan de résilience agricole ne peut se permettre de faire l’impasse sur un abondement conséquent de l’enveloppe d’aides consacrées à ces systèmes plus autonomes et économes. Les besoins de financements des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) sont importants. Il s’agit là de la mesure de résilience par excellence lorsque le contrat engage l’ensemble de la ferme dans une démarche d’agriculture durable. L’investissement et le succès de ces mesures en Bretagne, première région agricole d’élevage, ne doit pas être stoppé. Il faut se doter des moyens d’une réelle ambition budgétaire pour accompagner tous les éleveurs qui peuvent être acteur de ce tournant agro-écologique.
La frilosité budgétaire des services de l’État en Bretagne pour le financement des MAEC pour la programmation à venir met en péril la réussite de la transition agro-écologique de l’agriculture. L’État doit abonder ces dispositifs pour faire face aux besoins sans zoner arbitrairement les communes éligibles ou pas au dispositif. Compte tenu de l’urgence climatique et des problématiques de qualité de l’eau en Bretagne, il n’est pas entendable que les aides agricoles de la durabilité ne puissent pas être accessibles à tous les agriculteurs sur toute la région !
Les éleveurs bretons qui veulent s’engager dans la mise en place de systèmes de polycultures élevage économes en intrants, autonomes, ont besoin dès aujourd’hui de signaux concrets sur la politique environnementale, sociale et technico-économique de la DRAAF Bretagne et du Conseil régional de Bretagne en faveur de la transition agroécologique. Le renforcement de la trajectoire agroécologique et durable est vital pour les agriculteurs, les consommateurs et la vie dans les territoires.
Nous demandons un soutien fort de l’État et des collectivités dès 2022 pour qu’un maximum d’éleveurs puisse prendre le chemin de l’agroécologie, de l’autonomie et de la durabilité. C’est la clé du maintien d’une agriculture résiliente encore en mesure de produire dans un contexte plus qu’incertain. Il en va de notre indépendance alimentaire, de la vitalité de nos territoires et de l’avenir de notre planète. Les citoyens ne pourraient comprendre un autre choix.
Il existe un réel risque d’abandon massif de l’élevage et des éleveurs, que l’on commence à percevoir. Les agriculteurs ont besoin d’une incitation claire et forte de la part de l’ État pour prendre le chemin de l’autonomie, gage de résilience dans un monde perturbé par la volatilité des cours, voire de pénuries. Si l’objectif du plan de résilience est de garantir la souveraineté alimentaire française, ne pas y inclure un volet fort sur les MAEC serait une erreur historique.
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Signataires & contacts presse
CIVAM Bretagne / Franck Lebreton – référent MAEC – 06,78,34,64,39
Confédération Paysanne Bretagne / Jean-Marc Thomas – porte parole – 06,77,86,36,96
Fédération Régionale des AgroBiologistes de Bretagne / Sébastien Baron – référent régional Aides – 06,14,39,10,56
Réseau Cohérence / les Co-présidents Marc Pouvreau – 06,08,05,85,87 – et Dominique Pirio – 06,70,96,79,58 –
Eau et Rivières de Bretagne / Jean Peuzin – vice-président – 06,47,21,38,50 –
Bretagne Vivante / Luc Guihard – 02,98,49,07,18 – et Paul Mauguin – 07,89,59,59,74 –
(1) Cornucopianisme : croyance en des ressources illimitées et en des innovations permanentes qui permettront de toujours résoudre les problèmes rencontrés par l’humanité