Pour des
campagnes
vivantes

Que fait-on des veaux mâles ?

“Et pour les veaux mâles on fait quoi ?…On les vend en filière industrielle ?” En effet, les veaux mâles -et même tous les veaux, mâles ou femelles, qui ne restent pas renouveler les troupeaux laitiers- filent en élevages industriels où ils sont alimentés à la poudre de lait et soignés aux antibiotiques. Ce qui pose un souci d’éthique, de bien-être animal, de cohérence et d’autonomie de nos modes de production.

Les adhérents Civam ont été invités à venir creuser la question en ces termes : “Nous, adhérents au réseau des Civam, que souhaitons-nous pour les mâles qui naissent sur nos fermes ? Venez y réfléchir le 21 mai à la Pignerie, en Ercé en Lamée”.

À la ferme de la Pignerie, Marie Jolivel, son père Marcel et Timothée Dupont son compagnon nous accueillent. “Nous sommes en transition” disent-ils. Ils ont en effet vendu leurs allaitantes limousines pour passer en lait de jersiaises. Ils exploitent 78 ha dont 1 ha de pommiers. Ils vendent aussi des oeufs de poule. “Les débouchés vente directe par les œufs nous permettent d’avoir une clientèle viande” poursuit Marie. Seul le lait est valorisé en filière longue, via Biolait.

EMMENER AU BOUT.

“En système allaitant, on avait à coeur d’emmener au bout tous les animaux qui naissent sur la ferme. C’est important pour nous, explique Timothée. Ce n’était pas envisageable que le changement de système nous fasse régresser sur ce point. Dans beaucoup d’élevages -dont celui de la ferme par le passé-, des veaux et des taurillons partent et on ne sait pas trop dans quelles conditions”.

 

Ils ne sont pas seuls à s’interroger. “Que fait-on de nos veaux qui partent en industriel se faire élever à la poudre de lait et soigner aux antibios pour finir en escalopes “eco+” ? pose Aurélien Leray, éleveur laitier à Corps-Nuds (Ille et Vilaine) et administrateur Réseau Civam.”L’envoi de 25 veaux en filière veaux de boucherie équivaut au minimum à la même quantité d’énergie (directe+indirecte) pour produire 63 000 litres de lait en système herbager économe et autonome” montre David Falaise de Réseau Civam.

 

Les associés de la Pignerie ont déjà gardé cette année une dizaine de veaux, qu’ils poussent jusqu’à 2 mois et demi, trois mois, à 40 kg de carcasse, pour une vente à 15,3 €/kg de viande en caissettes de 8 kg, après passage à l’abattoir local de Craon. “Cela correspond à la demande de notre clientèle, observe Timothée. Et la jersiaise donne une super bonne viande“.

 

VEAUX DE LAIT.

Jacky Savin, installé au nord-ouest de Rennes, produit aussi des veaux abattus à 70 jours. Un veau correspond à 4 colis de 7 à 8 kg, vendu à 14,50 € le kg ; une part est commercialisée localement via des paniers. Toutes les femelles et une partie des mâles sont placés sous vaches nourrices, ce qui donne vite des animaux plus lourds. Une nourrice alimente 3 femelles et un mâle. Jacky en garde aussi pour faire des boeufs, vendus 10,5 € le kg en direct.

 

 

ENGRAISSER À L’HERBE ?

Installé entre le Havre et Étretat, Antoine Delahais élève avec son frère 220 animaux sur 123 ha dont 115 ha en herbe. Il pratique le séchage en grange en complément du pâturage, vend son lait de normandes et montbéliardes à Biolait et élève chaque année une trentaine de veaux mâles en boeufs dans ses parcelles éloignées. Ils commencent sous des vaches nourrices qui élèvent chacune trois veaux. “Depuis, je ne connais plus les diarrhées”, commente Antoine.

Le sevrage a lieu vers 5-6 mois. Durant leur castration, ils sont soignés à l’aromathérapie pour réduire le stress. Au final, ils deviennent des boeufs élevés au pâturage, complémentés sur la fin avec du méteil, abattus à 3 ans et demi et valorisés à 3,9 € par kg de carcasse en filière longue.

ALLONGER LES LACTATIONS ?

Vincent Hogrel de Sainte-Colombe en Ille-et-Vilaine, lui, s’est retrouvé avec 32 vêlages par an sur ses 42 VL. Les vêlages se sont étalés de juin à décembre, voire au-delà. En allongeant les lactations, il s’est aperçu que certaines tenaient 500 jours en conservant une production jusqu’à 25 l/jour !

Veaux mâles en extérieur avec groupe Et ce caractère de persistance se transmet assez bien d’une génération sur l’autre. “Je laisse faire, côté repro” dit Vincent, ce qui ne l’empêche pas maintenir sa production globale autour de 7000 I/vache/an avec 6 à 10 vaches en lactation longue, en permanence. Au global, les objectifs de production sont atteints, avec moins de veaux à envoyer ! Alors, l’allongement des lactations peut-il être une solution ? “Sur certaines vaches, je ne peux pas faire cela, à cause des cellules” tempère l’éleveur.

 

Autre piste : faire élever ses veaux par un voisin laitier, ce qui se pratique en Suisse.

 

 

ET LE SEXAGE DES SEMENCES ?

“Désormais, on sait faire et cela se développe à grande vitesse”, explique Luc Delaby, de l’Inra. Mais plusieurs participants à la journée signalent que cela ne diminue pas le nombre de veaux qui se retrouvent sur le marché.

 

Au final, cette entrée très technique a conduit les participants à élargir la discussion, sur l’avenir de l’élevage et la mixité des troupeaux, le bien-être animal en industriel, la mise en cause de la filière veaux de boucherie, approvisionnée quasi entièrement par l’élevage laitier. Ces réflexions sont à poursuivre dans les groupes et à partager au sein du réseau.

 

Article rédigé par Romain Dieulot, David Falaise, Jean-Marie Lusson, Réseau Civam.
Issu de la La lettre de l’agriculture durable – n°89 – été 2019

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