Le séminaire organisé par Réseau Civam et l’Adir le 3 février à Paris a permis de faire le tour de ces outils émergents, issus de dynamiques publiques ou privées, et de l’implication des groupes Civam dans leur mise en oeuvre.
- Comment les parties prenantes doivent-elles être impliquées, en particulier les “fournisseurs” de services en bout de chaîne que sont les agriculteurs ?
- Doit-on choisir entre PSE publics et PSE privés ? Comment évaluer les services et les rémunérer ?
- Quels nouveaux jeux d’acteurs et rapport de force impliquent-ils ?
Autant de questions posées… qui aboutissent au final à celle-ci : qu’est-ce qu’un PSE légitime et acceptable pour notre Réseau ? Regards croisés.
“Cinq PSE avec des critères simples et controlables”
Jacques Morineau,
Polyculteur en Vendée,
ex-président de la Plateforme pour une Autre Pac.
“Nous défendons l’intégration de PSE dans la PAC car, compte tenu des volumes financiers, c’est le meilleur moyen pour réorienter les systèmes agricoles et à terme, sortir des pesticides et donc de l’agriculture industrielle. Les subventions ne doivent plus être liées à l’hectare mais aux plus-values sociales et environnementales des exploitations.
Après les contrats de transition, on doit proposer une continuité pour ceux qui ont déjà modifié leurs systèmes. Les paiements verts ne sont que du”greenwashing” : 98%des paysans y ont accès et les 2% restants ont sûrement mal rempli leur déclaration !
C’est pourquoi nous proposons cinq PSE avec des critères simples et contrôlables : un pour l’agriculture biologique, un pour le développement des prairies et du pâturage, un pour la biodiversité cultivée (avec des variétés, espèces et races adaptées aux terroirs), un pour le bien-être animal et un pour les infrastructures agroécologiques comme les haies, bosquets ou mares (mais pas les simples bandes enherbées, non éligibles).
Avec cela, on couvre beaucoup de choses et on soutient aussi la diversification. Les maraîchers ou céréaliers peuvent par exemple avoir le PSE biodiversité cultivée mais aussi développer un peu d’élevage avec des prairies. Il est certain que cela serait moins favorable pour les viticulteurs, mais l’idée n’est pas non plus de soutenir des monocultures. Enfin, ces PSE auraient un impact sociétal – notamment sur la santé et les revenus – et nous demandons un plafonnement à l’actif.”
“Des PSE privés seulement s’ils permettent de changer de système”
Quentin Delachapelle,
Agriculteur dans la Marne, Civam Oasis,
ex-président de Réseau Civam.
Le réseau des CIVAM, qui s’est historiquement concentré sur l’accompagnement de la transition agroécologique par le biais des financements publics, craint, via les PSE, un basculement sur de l’accompagnement privé. Mais faut-il ne s’intéresser qu’aux politiques publiques cogérées par un ministère et un État qui n’osent pas s’affranchir du modèle économique agro-industriel ? Il est urgent de ne plus se limiter à regarder l’origine du financement mais plutôt la manière dont il pourrait être comptabilisé dans les fermes et ses conséquences concrètes sur leurs orientations stratégiques.
Des agriculteurs ont engagé des transitions sans accompagnement public et des acteurs privés leur proposent aujourd’hui de rémunérer leurs actions bénéfiques envers l’environnement. Il est évident qu’une politique publique cohérente devrait s’attacher à compenser les défauts du marché en soutenant les systèmes qui produisent une plus-value sociale et environnementale, mais ce n’est pas le cas.
Le Civam de l’Oasis travaille sur une nouvelle forme de comptabilité qui permet de passer d’une logique d'”aide à la production” à une approche visant le “désendettement environnemental et social” tant des payeurs que des bénéficiaires dans le cas des PSE. Cela impliquerait en effet que le financeur d’un PSE soit incité, via sa comptabilité, à diminuer son impact environnemental et social et donc la nécessité du recours à des PSE de type “compensation” à moyen terme. Et gageons que d’ici là, la politique publique sera devenue enfin cohérente !
“Des PSE dont on a auparavant vérifié l’efficacité”
Philippe Pointereau,
Directeur adjoint de Solagro.
“Dans le cadre de l’expérimentation de PSE menée en Adour-Garonne, l’objectif est de maintenir la qualité de l’eau et un haut niveau de biodiversité. Pour cela, nous avons mis en place une méthodologie garantissant que ces deux services étaient rendus. Celle-ci a été mise au point en 2010 dans le cadre de nos travaux sur la qualification des systèmes agricoles à haute valeur naturelle.
Les trois indicateurs utilisés, qui peuvent être calculés aussi bien à partir de données statistiques que des données recueillies sur les fermes, ont été testés, en croisant la carte des zones à haute valeur naturelle avec des données naturalistes indépendantes comme celles du programme du Museum national d’histoire naturelle sur le suivi temporel des oiseaux communs. Cela nous nous a permis de montrer que notre méthodologie garantissait effectivement un haut niveau de biodiversité. Après, le PSE Adour-Garonne relève d’un système à points, donc tout l’enjeu réside dans le niveau où l’on place le curseur à partir duquel on rémunère l’agriculteur. On a choisi une rémunération à partir 16/30,(la moyenne française est beaucoup plus basse).
Reste que le PSE est un petit outil parmi d’autres pour mettre en œuvre la transition agroalimentaire qu’on a inscrite dans le scénario Afterres2050. Celui-ci prévoit notamment une division par deux de l’élevage, mais en maintenant les élevages à haute valeur naturelle justement visés et encouragés par le PSE.
EN SAVOIR +
Retrouvez cet article et bien d’autres dans le dossier du numéro 478 de la revue TransRural Initiatives consacré aux PSE et rédigé à la suite de la journée ADIR-CIVAM du 3 février.
Se le procurer et/ou s’abonner : http://boutique.transrural-initiatives.org/