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Universalité, cotisation, conventionnement : piliers de la Sécurité sociale de l’alimentation

La Sécurité sociale de l’alimentation (SSA) est une réflexion en cours portée par un collectif d’organisations dont les Civam qui vise à étendre les principes du régime général de sécurité sociale à l’alimentation. Elle est un levier pour organiser démocratiquement le système alimentaire et progresser vers le respect du droit à l’alimentation. À l’image de ce qui existe avec la carte vitale qui permet de réaliser des dépenses chez les professionnel·les de santé conventionné·es (médecins, pharmacien·nes…), la SSA pourrait prendre la forme d’une carte distribuée à tous les citoyen·nes et sur laquelle serait créditée chaque mois une somme – par exemple 150 € – permettant de réaliser des achats alimentaires dans des lieux de distribution conventionnés. Cela permettrait de sanctuariser un budget alimentaire incompressible, dans la mesure où l’alimentation sert souvent de variable d’ajustement pour des budgets précarisés par la hausse des dépenses contraintes et pré-engagées.

« Ça me permet d’améliorer le quotidien, et de faire plaisir à mes enfants, avec des yaourts ou du fromage, sourit cette mère de famille, qui élève seule trois de ses quatre petits. Au-delà de l’aide financière, ce sont des liens affectifs et un apprentissage permanent. »
Samira, expérimentatrice de la Caisse commune de l’alimentation à Montpellier.

 

La proposition de Sécurité sociale de l’alimentation repose sur trois piliers : universalité, cotisation, conventionnement

Universalité

À l’image de la Sécurité sociale de santé, la Sécurité Sociale de l’Alimentation (SSA) concernerait tout le monde, quelque soit le niveau de revenu ou l’origine sociale. Les politiques universelles présentent de nombreux avantages. Contrairement aux politiques ciblées sur un public particulier (les jeunes, les pauvres…), elles ne sont pas stigmatisantes. Par exemple, il n’est pas nécessaire de devoir prouver sa situation pour en bénéficier (ex : avoir un reste à charge inférieur à tel niveau).
De la même manière, non ciblées, les politiques universelles présentent par définition moins de risque de rater leur cible (limite les effets de seuil, le non-recours…).
En réalité, plus qu’une nouvelle aide qui permettrait d’alimenter des discours autour de « l’assistanat », les politiques universelles sont génératrices de nouveaux
droits pour toutes et tous et contribuent ainsi à créer du commun et donc de la cohésion.

Financement par la cotisation

La SSA serait financée par la cotisation qui est l’instrument au service de la répartition primaire des richesses. La cotisation permet de socialiser, de mettre en commun une partie de la valeur économique afin qu’elle soit gérée par les travailleurs et travailleuses qui l’ont produite. L’assiette de cotisation est un élément encore en débat parmi les partisans de la Sécurité sociale de l’alimentation.

Conventionnement démocratique

Il s’agit de sélectionner collectivement les produits ou les professionnel·les qui seront éligibles à la SSA, c’est-à-dire pour lesquels il sera possible de réaliser des dépenses avec la carte vitale de l’alimentation. Le conventionnement est un outil en faveur de l’alimentation choisie : il permet d’organiser la demande et donc d’orienter la production vers ce que souhaitent manger les citoyens. Ce conventionnement est réalisé « en connaissance de cause », c’est-à-dire après des processus de co-construction de la connaissance, de formation des citoyen·nes aux enjeux du système alimentaire. Le conventionnement démocratique est un outil de sortie du tout marché : pour grossir le trait, ce n’est plus le marché qui détermine en grande partie ce qui est produit, comment cela est produit et à quel prix, mais ce sont les mangeurs et les mangeuses, donc les citoyen·nes. En cela, le conventionnement est un outil à la fois de démocratisation du système alimentaire et un outil d’orientation du système alimentaire.

 

Schéma réalisé par le Collectif pour une Sécurité sociale de l’alimentation

 

Une idée qui progresse

Défendue par un collectif composé d’organisations nationales et locales* et à la faveur d’un contexte porteur sur les questions d’alimentation (crise de l’aide alimentaire, inflation, mobilisation agricole …) la proposition de SSA suscite un engouement citoyen et un intérêt médiatique et politique de plus en plus fort.
La proposition est citée dans un nombre croissant de rapports. À titre d’exemple, dans son “avis 91” dédié à la précarité alimentaire, le Conseil National de l’Alimentation inscrit l’expérimentation de Sécurité sociale de l’alimentation parmi ses dix recommandations phares. En avril 2023, dans son avis relatif à la Stratégie nationale alimentation, nutrition, climat (SNANC), le Haut Conseil de Santé Publique invite à explorer davantage la piste de la SSA tandis qu’en janvier 2024, dans un rapport dédié au système alimentaire, le Haut Conseil pour le Climat présente la proposition dans son chapitre « concilier transition alimentaire et inclusion sociale ».
La proposition est également évoquée à l’Assemblée nationale où elle est mentionnée à l’occasion de divers amendements, sans que ceux-ci n’aient aboutis pour le moment. Sur un autre registre, la Sécurité sociale de l’alimentation fait l’objet en France d’une campagne de désobéissance civile lancée en janvier 2024 par le collectif Riposte Alimentaire (anciennement Dernière rénovation). Hors de nos frontières, la proposition de SSA commence également à faire parler d’elle et notamment en Belgique et, dans une moindre mesure, en Suisse.

Des initiatives locales qui s’en inspirent

Sur le terrain, à l’initiative de collectifs citoyens et associatifs et/ou de collectivités territoriales, des initiatives locales qui s’inspirent de la Sécurité sociale de l’alimentation se mettent en place. Il est à noter que ces expérimentations sont des projets « inspirés de » la SSA et non des expérimentations de Sécurité sociale de l’alimentation. En effet, aucune initiative locale ne peut expérimenter les trois piliers de manière strico sensu et en particulier celui de l’universalité. Plus largement, la SSA est un projet macroéconomique qui, dans le cadre actuel, ne pourrait trouver son sens, sa viabilité, notamment financière, et sa cohérence qu’à un niveau national. D’ampleur relativement modestes, les expérimentations sont très diverses et à des degrés d’avancées variés. On peut ainsi retrouver de telles expérimentations en Gironde, à Montpellier, à Cadenet, en Drôme, en Ariège, dans l’Aude, à Paris, Nantes, Lyon, Grenoble… Souvent, elles prennent la forme ou se dirigent vers la construction d’un comité citoyen de l’alimentation et d’une caisse commune de l’alimentation. Malgré des tentations au mimétisme ou à la proposition de création d’un dispositif clef en main, la plupart de ces expérimentations partagent un enjeu fort autour de la construction démocratique.

Bien qu’il ne s’agisse pas de l’unique manière de penser la démocratie alimentaire, la mobilisation des personnes ou même la socialisation de l’alimentation, la SSA, en proposant d’étendre les principes de la Sécurité sociale à l’alimentation ouvre des perspectives enthousiasmantes de transformation du système alimentaire. Proposition systémique et ambitieuse, la SSA fait le pari de la démocratisation du système alimentaire pour répondre aux nombreux enjeux sociaux et environnementaux qui s’adressent à lui. Réflexion en cours, la SSA soulève également de nombreuses questions et défis auxquels les expérimentations locales qui s’en inspirent pourront apporter des débuts de réponses.

 

*Le Collectif pour une Sécurité sociale de l’alimentation est composé d’organisations nationales (Réseau CIVAM, Confédération paysanne, ISF Agrista, VRAC France, Réseau Salariat…) et d’initiatives locales (Caisse locale de l’alimentation de Cadenet, Territoires à VivreS Lyon, Acclimat’action…)

 

Pour aller plus loin

Retrouvez la fiche ressource alimentation n°20 sur la Sécurité sociale de l’Alimentation avec des outils et ouvrages recommandés

 

 

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